Reconversion : d'infirmière à contrôleuse de gestion, le témoignage de Bérengère

Bien que Bérengère puisse toujours effectuer des opérations dans le cadre de ses missions, celles-ci n'ont plus grand chose à voir avec celles auxquelles elle a pu assister à l'hôpital ! Comment cette Bordelaise de 38 ans est passée d'infirmière à contrôleuse de gestion, arrivant parmi les six finalistes du concours du meilleur mémoire de contrôle de gestion de la DFGC nationale ? Voici son témoignage.
Comment avez-vous choisi votre formation initiale ?
Je pense que j'étais un peu nourrie par ça : ma maman est infirmière, mes 2 frères ont fait des études de médecine et d'odontologie, et j'étais la petite dernière donc on va dire que le contexte familial m'a aidé. Dès l'âge de 18 ans, je me suis retrouvé à travailler à l'hôpital en job d'été. J'ai commencé par faire une formation d'aide soignante, puis une formation d'infirmière, et j'ai tenu un cabinet libéral pendant trois ans. J'ai travaillé au bloc avec mon frère qui est chirurgien, j'ai travaillé de jour, de nuit... j'ai fait un peu tous les services ! Ca a été un cheminement relativement évident et qui était déjà ancré en quelque sorte. Au total, j'étais infirmière pendant 10 ans et dans le médical pendant 18 ans.
Qu'est-ce qui vous a décidé à changer de secteur d'activité ?
Alors ça a été un gros cheminement. Ça faisait déjà quelques années que je me posais la question de changer de voie même si j'aimais mon travail. J'ai apprécié le travail en libéral, mais il faut tout de même souligner que c'était de grosses journées : on commençait à 5h30 du matin et on finissait à 20h30. Avec les enfants, je ne me voyais pas trop avoir ce mode de vie, d'où mon orientation vers le bloc opératoire. J'aime bien quand ça bouge, j'aime bien réfléchir... Donc ça faisait quelques années déjà que je cogitais à une reconversion. Et puis quand mon dernier est entré à l'école, je me suis dirigée vers un bilan de compétences. En parallèle, j'ai aussi beaucoup discuté avec une personne qui a renforcé ma détermination et qui m'a amené à ce stade de réflexion : je ne sais pas ce que je veux faire, mais je sais au moins ce que je ne veux pas faire !
Qu'est-ce qu'il en est sorti de ce bilan de compétences ?
Après avoir suivi toutes les étapes du bilan de compétences, notamment l'évaluation 360, le métier de « chef de projet » a fait partie des conclusions. Ayant 5 enfants, mon quotidien s’apparente à de la gestion de projet ! Donc, sur cette idée de gestion de projet, la question était : "Ok, maintenant je fais comment ?"
À partir de là, on m'a parlé des écoles de commerce que je ne connaissais pas spécialement. Donc, j'en ai contacté plusieurs, dont KEDGE (école de commerce) qui proposait le master Programme Grande Ecole. Etant juste pour le concours, j'ai commencé par le PMG (Programme de Management Général) avec comme objectif de passer le concours pour le PGE l'année suivante. Et donc, en septembre, je commençais ma formation !
Avez-vous rencontré des difficultés particulières durant cette formation ?
Non, pas spécialement ! Je me suis pas trop posée la question comme ça. J'aime travailler et j'aime apprendre, donc les choses se sont faites au fil de l'eau. Quand je suis arrivée en formation, je pense que j'étais la seule ou presque qui ne connaissait pas le monde de l'entreprise. L'hôpital, c'est un peu particulier, c'est pas du tout le même monde, mais je me suis laissée porter et finalement ça a plutôt bien fonctionné.
Le programme était assez général au début : on découvre progressivement les différentes spécialités des entreprises. Pendant la première année, j'ai exploré les différents modules et, vers la fin de celle-ci, j'ai découvert la finance et le contrôle de gestion, des domaines qui m'ont beaucoup plu.
Lors de ma première année à KEDGE, j'ai effectué un contrat professionnel dans une entreprise qui s'appelle Allogia, où j'étais chargée de mission. Et là ça a été la découverte d'Excel, un logiciel que je ne connaissais pas du tout en tant qu'infirmière. Pendant cette année-là, je me suis aussi offert une formation Excel et une formation PowerPoint afin de mieux maîtriser ces outils. À la fin de ma première année, j'avais exploré la finance, le contrôle de gestion, et j'avais acquis une bonne maîtrise d'Excel. J'ai également passé le TOSA pendant l'été, proposé par KEDGE, où j'ai obtenu un score de 800 sur 1000.
Comment s'est déroulée la deuxième année de votre formation ?
J'ai passé la fin de ma première année et réussi mon concours pour le PGE sans souci, et la question de la deuxième année s'est posée : qu'est-ce que je vais faire ensuite ? À ce moment-là, j'avais envisagé de poursuivre mes études après le PGE en intégrant un Master en audit et contrôle de gestion pour approfondir mes connaissances.
Cependant, je ne me voyais pas forcément repartir pour deux ans, et j'ignorais si je pouvais intégrer directement le Master 2 après le Master PGE. Finalement, pendant l'été, je me suis renseigné sur la data analysis avec l'entreprise Le Pont. Nous avons envisagé que je passe une certification Power BI pour avoir des billes en plus pour effectuer un stage dans ce domaine afin de commencer à chercher du travail.
Finalement, ayant commencé par le PMG, j'avais déjà validé l'option du Master, ce qui allégeait un peu ma charge de travail. J'ai donc fait un boot camp de data analyst en parallèle de ma deuxième année. Il avait lieu pendant une période où c'était moins intense chez KEDGE. J'ai terminé ce bootcamp en février, j'ai rédigé mon mémoire sur les nouveaux outils du contrôle de gestion et j'ai réalisé que le contrôle de gestion et l'analyse de données se rejoignent et offrent des perspectives intéressantes.
J'ai commencé à chercher dans les deux domaines, j'ai eu des opportunités et en fait je me suis rendu compte que faire essentiellement de la data analysis, ça m'intéressait pas non plus et donc à la fin de l'été, j'ai eu cette opportunité chez Ynov.
En quoi consiste votre métier de contrôleuse de gestion ?
Aujourd'hui, ma principale mission chez Ynov consiste à mettre en place et à assurer le suivi budgétaire. Je suis le premier contrôleur de gestion de cette entreprise, donc je suis un peu le carrefour, c'est-à-dire que je fais le lien entre le service de comptabilité et les différentes entités du groupe, qui sont particulièrement nombreuses. Ces responsabilités nécessitent de solides compétences organisationnelles, des compétences que j'ai pu acquérir au cours de ma carrière d'infirmière !
Quelles sont vos principales sources de satisfaction dans votre métier?
Je m'éclate ! De base, je n'ai pas quitté le métier d'infirmière parce que j'étais en burn-out ou parce que je n'aimais plus mon métier, j'aurais pu le faire toute ma vie. Je l'ai fait parce que j'ai senti que je voulais faire autre chose et que j'étais capable de faire autre chose. Donc mon critère de base, c'est pas tant le métier, mais plutôt le lieu et les conditions dans lesquelles je le fais. Pour moi, c'est important qu'un boulot me nourrisse, au sens où il me permet d'apprendre tous les jours tout en m'amusant. Il se trouve que je suis un profil analytique, ce qui tombe plutôt bien. Ma principale source de satisfaction, c'est de me sentir à ma place. Je suis "dans mon flow" comme on a appris à l'école !
Est-ce que vous avez des projets d'évolution ?
C'est un peu tôt parce que j'ai tendance à avancer selon les opportunités qui se présentent à moi. J'ai toujours fonctionné comme ça. En tant qu'infirmière, j'ai souvent été mobile en raison des offres, des histoire de vie. Par exemple, le libéral, c'était tombé parce que je venais de déménager à Bordeaux. Donc aujourd'hui, je suis chez Ynov, je pense que je vais rester un petit moment s'ils veulent toujours de moi, car tout se se passe bien, et c'est super formateur.
Après des projets d'évolution, c'est certain que j'en aurai. J'aime que ça bouge, j'aime que ça change. Donc après, est-ce que c'est monter en compétences en tant que salarié dans un service ? Est-ce que c'est être à mon compte dans un futur plus ou moins proche ? Est-ce que c'est retourner quelque temps à l'école et aller un peu plus loin ? J'ai rien de défini, j'ai des idées dans tous les sens, mais c'est vrai que c'est encore un peu tôt, donc je veux pas m'avancer. Mais en tout cas, c'est sûr, il se passera des choses encore derrière et j'ai pas fini de d'évoluer !
Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes qui souhaitent se reconvertir dans le contrôle de gestion ?
Je l'ai donné à une jeune femme d'une vingtaine d'années qui est justement à KEDGE dans le même master que j'ai suivi. Déjà, je suis convaincue qu'une solide formation de data analysis est indispensable, car je m'en rends compte chaque jour dans mon travail. Ça m'aide énormément à comprendre et à analyser rapidement les données, que ce soit sur Excel ou sur des logiciels BI, etc. Pour quelqu'un qui veut faire du contrôle de gestion, je pense qu'aujourd'hui c'est un passage obligé de savoir se servir de tous les outils disponibles, y compris ceux qui émergent comme ChaGPT, sinon on risque d'être dépassé.
Cette compétence est de plus en plus intégrée dans les formations, mais être meilleur que les autres peut évidemment faire la différence. En fait, le contrôle de gestion, c'est une formation, mais c'est aussi un état d'esprit et de fonctionnement. Donc ce sera toujours une plus-value pour une reconversion.
Dans tous les cas, si on s'engage, et c'est ma façon d'être, mais faut s'y engager à 100 % parce que si on fait une reconversion du bout des lèvres, ça va pas forcément fonctionner, ça prend beaucoup de temps. J'ai beaucoup d'enfants, quand j'ai fait le bootcamp, en plus de KEDGE, je faisais des journées de 10-12 heures. J'étais à la maison parce que c'était en distanciel, mais dans le fond mes enfants ne me voyaient pas. Je travaillais aussi le weekend puisqu'à un moment il y avait aussi des dossiers à rendre, etc. Bien sûr, je les ai prévenu en amont. Aujourd'hui, j'ai plus de temps et ça se passe super bien. En résumé, je pense que si on fait les choses à moitié ça ne peut pas fonctionner !