Ce métier désormais un "p'tit" peu mieux connu par près de 10 millions de Français

Vous n’avez pas pu y échapper : dépeinte comme la comédie de l’été, puis rapidement de l’année, le film "Un p'tit truc en plus" réalisé et interprété par l’humoriste Artus, mais aussi Clovis Cornillac, Alice Belaïdi et une dizaine d’acteurs amateurs en situation de handicap s’impose comme la surprise cinématographique de l’année 2024.
C’est un sujet délicat pour un scénario qui repose sur une trame minimaliste : deux braqueurs (père et fils), trouvent refuge dans une colonie de vacances pour jeunes adultes handicapés. C’est pourtant un pari réussi avec un parfait équilibre entre moments de drôlerie et d’émotion. Un succès inattendu qui permet également de mettre en lumière un métier aux fonctions méconnues : celui d’éducateur spécialisé.
Les protagonistes dont on suit les tribulations pendant plus d’une heure et demie, correspondent-ils fidèlement à la réalité du métier ? Quel est le véritable rôle de ces professionnels au quotidien, et quelles compétences doivent-ils mobiliser pour mener à bien leurs missions ? Décryptage avec Margot Vidal, titulaire du diplôme d’éducateur spécialisé depuis 10 ans, et spectatrice du film d’Artus comme presque 1 Français sur 6.
Le rôle des éducateurs spécialisés, l’humain au cœur du métier
Le film nous plonge dans une charmante colonie de vacances, mais l’éducateur spécialisé peut exercer dans une grande diversité de structures en fonction du public qu’il accompagne. Qu’il travaille au contact d’enfants et d’adolescents en difficulté ou bien de personnes en situation de handicap physique ou mental, son objectif reste le même. Il doit s’adapter aux besoins de chaque individu et les aider à gagner en autonomie en élaborant des projets spécifiques tels que des activités de loisirs, des ateliers de recherche d’emploi ou encore du soutien scolaire.
Résultat ? « Chaque journée est totalement différente, il n’y a aucune routine ! » note Margot qui apprécie par-dessus tout le fait de pouvoir accompagner les individus sur la globalité de leur parcours et de leur offrir ce coup de pouce qui contribuera à leur épanouissement et leur autonomie.
Les moments de vie partagés avec les personnes accompagnées, la participation aux échanges quotidiens, que ce soit avec les bénéficiaires, leurs familles ou les autres professionnels du secteur, sont également des sources de satisfaction dans ce métier. Autant d’interactions qui impliquent de réelles aptitudes relationnelles, mais pas seulement !
Les compétences clés de l'éducateur spécialisé, mention honorable pour le personnage d’Alice
Pour ce qui est des aptitudes requises pour devenir éducateur spécialisé, mieux vaut porter son regard sur le personnage d’Alice. Elle « reflète plutôt bien la réalité du métier, contrairement aux autres protagonistes qui incarnent des éducateurs spécialisés très caricaturaux, adaptés aux besoins de cette comédie » estime Margot. En effet, Alice démontre des qualités essentielles dans ce métier à travers différentes scènes du film, telles qu’une excellente capacité d’écoute, une grande bienveillance et un fort esprit d’équipe.
Si on a l’habitude de mettre en avant les qualités relationnelles des éducateurs spécialisés (et plus largement des travailleurs sociaux), Margot rappelle l’importance de ne pas négliger les compétences rédactionnelles : « savoir rédiger, c’est indispensable dans notre métier, on est souvent amené à écrire des mails aux partenaires, mais cela peut-être aussi des comptes rendus de réunion, ou des rapports d’évaluation ». Elle ajoute aussi qu’« avoir une capacité de remise en question et d’analyse » est indispensable pour s’adapter à la diversité des situations et des profils rencontrés.
Impossible d’exercer ce métier sans un sens aigu des responsabilités, et Margot tient à souligner que dans la vraie vie, un éducateur spécialisé n’aurait jamais fait monter dans le bus les personnages incarnés par Artus et Clovis Cornillac sans une vérification plus poussée de leur identité, comme on peut le voir au début du film.
Vers un changement de regard sur la profession ?
Est-ce que le film d’Artus va changer le regard du grand public sur le métier d’éducateur spécialisé autant qu’il espère le faire sur le handicap ? Difficile à dire, mais il est possible que les réflexions que Margot entend fréquemment à propos de son métier telles que « ça ne doit pas être facile tous les jours « ou « je ne pourrais jamais faire ce que tu fais » (auxquelles elle répond avec humour qu’elle non plus n’aimerait pas être à la place de ses interlocuteurs assis devant un ordinateur toute la journée) laissent place à une curiosité accrue sur les différentes facettes de la profession.
Bien que cette comédie n’ait pas pour prétention de dépeindre le quotidien des éducateurs spécialisés avec un réalisme pointilleux, Margot salue sa cohérence globale, la sincérité de l’intention et son authenticité qui a rapidement dissipé ses appréhensions. La force d'"Un P'tit Truc En Plus", selon elle ? "Les acteurs en situation de handicap jouent un rôle tout en restant eux-mêmes, c’est ce que j’ai apprécié dans ce film ! »
Le métier d’éducateur spécialisé en bref :
- Nombre de professionnels en activité : Environ 65 000 éducateurs spécialisés selon France Travail
- Formation : 3 ans après le bac pour obtenir le diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé (DEES)
- Types de structures : établissements médico-sociaux, milieu scolaire, services de protection de l’enfance, foyers...
- Salaire : Entre 1800 euros et 2200 euros brut pour un débutant et plus de 2500 euros bruts pour les plus expérimentés.
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