"Il faut permettre aux entreprises de mieux rémunérer les stagiaires"

Un des points importants de la réforme est à mon sens de repréciser les missions de l'établissement scolaire qui doit aider l'étudiant dans sa recherche de stage. Un stage implique en effet une relation tripartite entre l'étudiant, l'entreprise et l'établissement scolaire. Ce dernier doit soutenir l'étudiant dans son projet professionnel afin de le rendre cohérent avec son parcours scolaire. Un stage ne doit pas être réalisé par défaut, uniquement pour valider son année.
Selon vous, la limitation du nombre de stagiaires en entreprise pourrait favoriser les élites, qu'entendez-vous par là ?
La loi propose deux choses. La première, qui est intéressante, c'est de limiter le nombre de stagiaires en fonction du nombre de tuteurs en entreprise. Il est en effet impossible pour un seul tuteur d'encadrer correctement plusieurs stagiaires alors que la mission de l'entreprise est de former les étudiants. En revanche, la proposition visant à limiter le nombre de stagiaires en fonction du nombre de salariés ne me semble pas aller dans le bon sens. D'une part, on privera une partie des PME qui sont les principales entreprises à recruter en France d'un futur vivier de candidats et donc à termes d'emplois. D'autre part, si une entreprise, qui auparavant pouvait s'entourer de deux stagiaires se retrouve limitée à un seul, elle ne prendra plus de "risque" dans sa sélection. On assistera donc à un recrutement des élites, faisant encore reculer la diversité en entreprise.
Le texte de loi propose d'inscrire les stagiaires au registre du personnel...
C'est un point intéressant de la réforme, même si le Medef juge cela difficile à mettre en oeuvre. Aujourd'hui, il n'existe aucun chiffre exact sur le nombre de stagiaires en entreprise, nous n'avons à disposition que des estimations. On est scandalisé d'apprendre qu'il y aurait 22% de stagiaires à la Société Générale ou 30% au sein de Melty, mais quelle est la norme ?
Quand on voit de telles proportions, on peut imaginer que ce sont des emplois déguisés ?
Il faut déjà bien comprendre que ce sont les établissements d'enseignement supérieur qui demandent aux entreprises d'accueillir de plus en plus de stagiaires. Pour les étudiants, c'est devenu une porte d'entrée dans le milieu du travail. Combien parmi les 22% de stagiaires à la Société Générale ont trouvé un emploi ? Il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de stages débouchent sur un emploi ou permettent d'en trouver un ensuite. Il est indéniable qu'il existe des abus, on les estime d'ailleurs à 100.000 pour environ 1,5 million de stagiaires. Ça n'est pas rien mais de là à dire que tous les stages sont des emplois déguisés c'est également faux. Il faut aussi garder à l'esprit que les entreprises souhaitent embaucher du personnel déjà opérationnel, les stages permettent aux étudiants de répondre aux exigences des entreprises.
La rémunération des stagiaires reste, elle, inchangée (436 euros/mois), qu'en pensez-vous ?
Déjà, il me semble utile de rappeler que les stagiaires les moins fortunés peuvent toujours demander une bourse pour financer leurs études. Ensuite, ce montant peut s'avérer très peu élevé, mais il ne faut pas comparer un stage à un emploi salarié. Lors des discussions, il a été évoqué que les stagiaires auraient les mêmes droits que les salariés de moins de 18 ans, mais cela n'a rien à voir. En revanche, il me semble qu'il serait bon de permettre aux entreprises de mieux rémunérer les stagiaires en ne leur compliquant pas les tâches administratives. Actuellement, une société qui souhaite payer un stagiaire au-delà du minimum légal est obligé de publier une fiche de paie et de payer 22% de cotisations sociales. Pourquoi ne pas plutôt dire que jusqu'au Smic par exemple, on évite aux entreprises de telles formalités. Cela permettrait de rehausser naturellement la rémunération des stagiaires.